La lutte pour la suprématie pour l’ordinateur quantique

Dernière mise à jour: 03.11.24

 

Aussi complexes soient les recherches, la grande firme Google a affirmé avoir atteint la suprématie quantique, une avancée scientifique dont le mérite est rêvé par tous les acteurs dans le domaine. Toutefois, son concurrent IBM a aussitôt démenti ces soi-disant exploits de Google et a annoncé que la bataille n’a pas encore été gagnée. 

 

La théorie de John Preskill sur la suprématie quantique

Le célèbre physicien John Preskill, professeur au California Institute of Technology, a établi des travaux de recherche en 2012 stipulant qu’un ordinateur quantique pourrait, par le biais de la physique quantique, résoudre des problèmes qui seraient impossibles pour un ordinateur classique d’élucider, et cela, en un temps record. La suprématie quantique ou l’avantage quantique a donc été théorisé comme étant le nombre de qubits qui ne pourra pas être dépassé par un autre ordinateur non quantique en termes de mémoire et de croissance de la bande passante. 

Cette valeur seuil est fixée à 50 qubits et au-delà de ce nombre, les simples propriétés physiques de la matière ne seront pas capables de venir à bout des traitements de données et des calculs quantiques. En effet, les superordinateurs actuels peuvent rapporter le même résultat qu’un ordi quantique de 5 à 20 qubits et pas plus. Preskill avait fait une réflexion sur la différence entre les ordinateurs quantiques et un calculateur quantique.

Cette notion a été évoquée pour la première fois par son collègue, Richard Feynman, qui a affirmé en 1982 qu’une machine classique pouvant reproduire des phénomènes quantiques pourrait présenter une augmentation exponentielle de son temps de calcul, à l’inverse d’un calculateur quantique hypothétique dont ce temps de calcul restera inchangé.

Selon toujours ses dires, un simulateur quantique universel est donc un calculateur quantique capable de révolutionner le monde scientifique et même la société entière en franchissant des barrières qui n’ont jamais encore été gravies auparavant et en utilisant les lois de la mécanique quantique telles que l’intrication ou la superposition d’un état subatomique par exemple. 

Si la machine quantique réussit alors à traiter dans un temps raisonnable des systèmes quantiques dont l’étude dans un laboratoire et la modélisation avec des supercalculateurs classiques sont impossibles, cette suprématie sera atteinte. 

Les failles de l’univers quantique

D’abord, ce qu’il faut vraiment retenir c’est la grande différence entre l’ordinateur et le calculateur quantique. Le premier est destiné à être programmable afin de pouvoir exécuter tous les algorithmes quantiques alors que le second n’intervient que dans la réalisation d’une seule ou d’une classe limitée d’algorithme.

Comme un lecteur multimédia performant qui peut lire tous les formats, des plus simples aux plus complexes, la machine doit pouvoir effectuer n’importe quelle tâche pour démontrer sa prouesse. Cela remet donc en doute la supériorité des ordinateurs quantiques par rapport à un modèle classique. L’efficacité suprême d’un algorithme quantique peut varier au fil du temps et en fonction des innovations scientifiques accomplies et il peut même arriver qu’il soit un jour devancé par la performance et la rapidité de calcul présentée par un ordinateur classique. En outre, il y a également le problème de la décohérence quantique. C’est un obstacle pour les informaticiens dans cette course à l’ordinateur quantique.

En effet, ce dernier puise ses bases dans les propriétés de la physique quantique qui utilisent des particules subatomiques pour couvrir tout un monde. Il ne suit donc pas les normes imposées dans la physique classique et sort de cette frontière en employant l’équivalent des bits d’information qui ne sont autres que les qubits possédant une infinité de valeurs. Ils opèrent avec 2 états, le 1 et le 0 contrairement aux bits classiques qui ne peuvent représenter qu’un seul état. Ainsi, c’est cette faculté de traiter 2 configurations en même temps qui explique la rapidité de calcul d’un algorithme quantique.

Toutefois, cette dualité engendre des pertes de données et des erreurs qui peuvent mettre en doute la fiabilité des opérations. Un objet quantique ne reste pas toujours stable dans son état quantique et peut vite basculer après quelques instants dans son état classique. Il est fragile et peut être facilement perturbé par la dégradation de l’environnement qui l’entoure. Les effets de cette décohérence quantique peuvent être réduits par des codes correcteurs d’erreurs quantiques, mais ne peuvent pas complètement être éliminés jusqu’à présent. 

Par conséquent, afin de prouver au monde entier d’avoir atteint la suprématie quantique, il faut que l’ordinateur quantique proposé puisse résoudre en un temps record un problème ingérable par une machine classique dans ce même délai. Face à sa complexité, cet exploit ne pourra être réalisé que vers 2050 selon les dires de certains experts dans le domaine.

 

Google affirme avoir atteint la suprématie quantique

Le 20 septembre 2019, le Financial Times, un journal quotidien britannique, publie sur le site de la Nasa, le résultat des recherches de Google, menées par son équipe d’experts physiciens dont le principal leader est John Martinis, professeur à l’université de Santa Barbara en Californie.

En effet, la grande firme a affirmé avoir atteint la suprématie quantique en concevant un ordinateur quantique Google de 53 qubits, capable de reproduire des corrélations uniquement réalisables par des algorithmes quantiques. Le document a été publié par erreur et a été aussitôt retiré du web le même jour. En tout cas, entre-temps, elle a déjà suscité de nombreuses réactions de la part de la communauté scientifique et a engendré une énorme polémique.

Ni la Nasa ni Google n’ont réagi face à ce buzz. Toutefois, le 23 octobre 2019, soit 1 mois après cette publication, la firme de Mountain View a confirmé cette avancée à travers un article partagé dans la revue Nature. Google annonce donc l’étape technologique qu’elle a réussi à effectuer en élaborant un ordinateur quantique Google appelé Sycamore avec un processeur quantique qui a démontré l’exploit de venir à bout d’une opération complexe en faisant le calcul en seulement 200 secondes ou 3 minutes et 20 secondes. 

Cet ordinateur Google serait capable de simuler un circuit quantique aléatoire pour manipuler 53 qubits, ce qui serait impossible pour un superordinateur classique à faire avant 10 000 ans. Google officialise ses prétentions par un communiqué sur le blog du Quantum Al Lab. Cette contribution de Google semble solide, pourtant, elle est loin de mettre tout le monde d’accord.

 

IBM conteste

L’avenir du computer quantique semblait être clairement tracé et aller dans le sens de Google. Toutefois, dès la sortie du fameux document de sa supposée suprématie quantique, John Preskill, chercheur à l’IBM, a tout de suite réagi sur son compte Twitter et a expliqué que ce calcul a déjà été effectué par un algorithme classique développé par son équipe et qui a été ensuite finalisé sur le supercalculateur Summit classique en seulement 2 jours et demi.

Même si ce délai n’est pas aussi bref que les 200 secondes de Google, cela prouve néanmoins que la domination clamée par la firme est loin d’être acquise. Ses dires ont été repris sur le blog de l’IBM le 21 octobre 2019, soit 2 jours avant la publication de l’avancée Google quantique dans la revue Nature. IBM invalide donc les propos de Google et affirme que l’ordinateur quantique Google n’est pas un ordinateur, mais un calculateur quantique qui ne peut être programmé pour effectuer toutes les tâches qu’un modèle classique comme un ordinateur portable Apple pourrait faire.

Les opérations réalisées peuvent encore contenir des erreurs découlant du phénomène de décohérence quantique et ne sont pas ainsi totalement fiables. De plus, les résultats obtenus par Google et l’exécution de son algorithme quantique peuvent aussi être reproduits à partir d’une simulation par un ordinateur classique à algorithme classique.

IBM qui est l’un des sérieux concurrents de Google dans cette course à la domination quantique n’a donc pas pesé ses mots en annonçant publiquement que la suprématie de Google est bel et bien fausse et prématurée. Même si aucune démonstration n’a encore été faite, IBM affirme que Summit, son superordinateur destiné au laboratoire national d’Oak Ridge, a déjà réalisé cet exploit annoncé par Google, mais en un temps plus long.

La course à l’ordinateur quantique se poursuit

Pour arriver à la conception d’un ordinateur quantique grand public commercialisable sur le marché, le bout du tunnel est encore loin pour les chercheurs. Depuis plusieurs années, les grandes firmes comme Google, Intel ou encore IBM sont au coude à coude pour atteindre cette suprématie quantique tant rêvée. Si Google et IBM ont choisi d’adopter une même technologie à base de supraconducteurs, d’autres chercheurs comme les Autrichiens du Center for Quantum Science mènent plutôt des études avec une approche utilisant des atomes froids.

En France, le CEA décide de participer à la course en mettant en avant le silicium. Au début de l’année 2018, Intel est le premier à dévoiler son calculateur quantique à 49 qubits. En janvier 2019, c’est au tour d’IBM de présenter son ordinateur quantique IBM Q System One compact de 20 qubits. Depuis l’annonce faite par Google en octobre 2019, d’autres firmes continuent de proposer leurs exploits comme Atos en juin 2020 qui dévoile le QLM-E, son puissant simulateur quantique dernier cri. La suprématie quantique semble donc encore rester inaccessible à ce jour.

 

 

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